Intervention d'Isabelle Eymes pour ACHD


Débat d'Orientation Budgétaire-11 AVRIL 2014


Monsieur le Maire

Je constate que dans le document remis vous liez avec raison les orientations municipales à la politique nationale et internationale. 
Permettez moi cependant de ne pas partager votre optimisme sur l'avenir économique et social de la France sauf pour les actionnaires et les nantis qui continuent à devenir plus riches quand les autres s'appauvrissent. 
Permettez moi également de m'interroger sur l'impact de cette croissance annoncée, en regard de la transition écologique, par ailleurs jugée incontournable et ici curieusement absente.
A vous lire nous comprenons que le redressement de l'activité économique mondiale est confirmée, que le mouvement dit "de tôle ondulée" de croissance du PIB va bien finir par se stabiliser pour qu'enfin, le déficit public soit ramené à 3,6%. 

Cette obsession de la réduction du déficit est le fondement même des politiques d'austérité que nous dénonçons car elles font porter l'essentiel des efforts sur les classes populaires. La loi de finance pour 2014 étend l'austérité aux collectivités locales dans des proportions que vous soulignez vous même et qui risquent de s'aggraver encore plus, quand on se réfère au discours de politique générale du premier ministre. 

Nous ne voyons donc, dans le document qui nous a été remis, aucune remise en cause ni de la politique d'austérité menée, ni de l'absence de considération environnementale. 
Vous ne désavouez pas la politique gouvernementale et on le comprend aisément, mais je note également que vous prenez la précaution d'en conjuguer les perspectives au conditionnel. Car, enfin, dans ces conditions peut-on croire vraiment à ce redressement?

Pour étoffer mon interrogation, j'aimerais apporter quelques éléments de contexte supplémentaires:
2010: Suppression de la taxe professionnelle - Neutralisation de la dynamique des bases économiques : la fiscalité des ménages devient le principal levier de recettes.
2013 : Pacte budgétaire (TSCG) et réduction des dépenses publiques (et des recettes).
2014 : De multiples indicateurs préoccupants:
- Croissance du chômage : près de 5 millions d’inscrits à Pôle Emploi, un taux jamais atteint. Une progression de 45 000 emplois supprimés chaque mois en moyenne. Le taux de chômage atteint 11%. Dans sa dernière note de conjoncture, l'INSEE prédit qu'il va continuer à augmenter. Cahors n'est pas épargnée.
- Situation sociale dégradée avec plus de 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Cahors n'est pas épargnée.
- Inquiétude des collectivités locales qui voient l’Etat se désengager. Cahors n'est pas épargnée.
- Nouveau rapport alarmant du GIEC ( groupe d'experts Intergouvernemental) sur l'évolution du climat en date du 31 mars 2014 sur le réchauffement climatique . Cahors n'est toujours pas épargnée.
- Crise européenne gérée au moyen d’une rigueur qui accentue la dégradation de la situation. Négociations entre l'UE et les Etats Unis visant à inscrire le droit des multinationales au dessus de celui des Etats (par l'affaiblissement, voire le démantèlement de toutes les normes qui limitent les profits des entreprises). Cahors ne sera pas épargnée.
- Suppression de milliers de postes dans les services publics à l’instar des pays européens qui subissent la crise économique et financière. 

Comme je pense qu'il est bon dans certaines circonstances d'être redondant je voudrai dire un mot particulier sur ce sujet.

Avant hier mercredi, les syndicats de l'éducation nationale dénonçaient les suppressions de poste d'enseignants dans le Lot dont une sur Cahors. La décision de la fermeture de la maternelle H.Thamier que vous avez annoncé sur la lancée, Monsieur le Maire, cette fermeture n'est pas entendable à double titre. 
* D'abord, parce que le quartier de Sainte Valérie déjà privé de son centre social ne pourrait se voir en plus amputé de son école espace reconnu de lien social. Acceptons nous que cette déclinaison locale très concrète de la politique d'austérité nationale se fasse une fois de plus au détriment des plus fragiles et des plus démunis? 
* Ensuite parce que cette décision unilatérale et sans aucune concertation avec les acteurs concernés pose, à notre sens, la question de la démocratie. 

Nous souhaitons donc, Monsieur le Maire, que cette décision soit reconsidérée à partir de critères sociaux et humains, et non pas seulement à partir de logiques comptables.

Sur tous les éléments de contexte que je viens d'énumérer, la politique nationale menée n’aura rien arrangé, bien au contraire. Nous engageons donc ce débat d'orientation budgétaire sur un fonds de redites qui inscrit la préparation du budget primitif dans un cadre particulièrement préoccupant mais si joliment intitulé dans le texte: "un nouvel environnement pour les collectivités locales". 

Après l'effet "tôle ondulée" nous passons à "l'effet ciseaux" et entrons dans l'ère de l'optimisation des services publics rendus, c'est à dire en termes économiques: donner le meilleur rendement possible. Les décisions prises devraient désormais obéir à une logique rationnelle conduisant à la recherche de l'optimalité. 
Cette approche de l'action publique se révèle être, à notre sens, une remise en cause fondamentale de la notion de service public vis à vis de laquelle nous sommes en profond désaccord.

Voilà qui nous amène à trois constatations:

La première consiste à pointer un certains nombre de contradictions dans ce qui est avancé comme règle d'or au niveau national. Contradictions dans lesquelles il va falloir surnager pour ne pas se noyer faute de trop plein. Pour exemple:
* l'augmentation de la TVA sur le bâti ancien qui passe de 7 à 10% alors même qu'une des urgences nationales est de réduire l'impact énergétique. 
* le transfert des compétences sans les moyens adéquats, ce qui accrôit les difficulté des collectivités territoriales. Je parle par exemple de la réforme des rythmes scolaires.
* Ou encore la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales qui aura une incidence sur la croissance et sur l’emploi dans les territoires. 

La deuxième, c'est qu'en dehors d’un choix politique volontariste fort, le seul levier pour lutter contre l’absence de progression des recettes courantes, en dehors du levier fiscal ou de la taille dans les plans d’investissement, le seul levier avancé est la maîtrise des dépenses de gestion. La méthode est courante, « limitons les frais postaux, le papier, n’appliquons le GVT (Glissement-Vieillesse-Technicité) qu’avec parcimonie, contentons-nous de simples ajustements aux marges, recrutons à minima ». Et c’est ce sur quoi vous semblez vous engager.

La troisième constatation c'est que tout cela ne fait pas une politique en phase avec les ménages cadurciens pour certains confrontés au chômage et à la précarité, une politique répondant aux questions de logement, de mobilité, d'éducation et de qualité d'environnement pour tous.

Il existe pourtant un certain nombre de pistes susceptibles d'améliorer la situation financière de Cahors tout en refusant les mesures austéritaires. Permettez moi d'en citer quelques unes:
* Opérer les arbitrages politiques prioritairement dans le sens de la satisfaction des besoins des cadurciens: je parle par exemple de prioriser l'aménagement de la dite gare routière où les jeunes attendent leur bus assis par terre ou sous la pluie, plutôt que l'aménagement des berges du Lot.
* Ne pas vivre au dessus de ses moyens et redimensionner les projets trop coûteux en ce qu'ils pénalisent le pouvoir d'achat des cadurciens et les finances de la commune et du Grand-Cahors: je parle par exemple du doublement du prix d'entrée de la nouvelle piscine ou encore de l'augmentation prévisible du prix des places de cinéma avec le multiplexe. Car ce que vous désignez comme des marqueurs de territoire pourraient vite devenir des marqueurs d'inégalités sociales.
* Réaliser la transition énergétique au niveau municipal en ce qu'elle participe à renforcer l'économie locale, lier soutien aux entreprises et critères sociaux et environnementaux. Porter les préoccupations écologiques. Reconsidérerez vous, Monsieur le Maire, les formules "cahors Plage" et "patinoire" pour leur bilan environnemental catastrophique?
* Répondre aux besoins d’investissement et de service public relevant de nos compétences. Je note, en ce qui concerne les personnels de la mairie, l'annonce de la mise en oeuvre du schéma de mutualisation intercommunal à partir de 2015. Dans le même temps voilà ce que projetterai le Grand-Cahors, je cite : "une réorganisation, voire une diminution des services" ainsi qu'un "travail sur la masse salariale pour limiter son évolution". Quid des agents municipaux?
* Mener une politique d'investissement qui priorise le nécessaire au superflu. 
* Considérer le coût social comme élément prépondérant à toute décision. Maintenir et développer les politiques sociales.

C’est ainsi que l’on rapproche les habitants des services auxquels ils ont droit.

Voilà, Monsieur le Maire, sans doute ai-je vu dans le débat de ce soir d'avantage matière à réorientation budgétaire. C'est peut être le privilège du débutant de penser qu'un débat est matière à influer sur les décisions à venir et non simplement un exercice imposé auquel on se plie.

N'y voyez cependant là aucune naïveté mais plutôt l’état d’esprit avec lequel nous abordons cette séquence de construction budgétaire, les questions que nous comptons porter, et les réponses que nous attendons de la majorité. 

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